La Passe-Miroir, Les Fiancés de l’Hiver, Christelle Dabos

« C’est ce que je suis avant d’être une paire de mains, conclut Ophélie en sortant ses doigts de la glace. Je suis la Passe-miroir. »

Sous son écharpe élimée et ses lunettes de myope, Ophélie cache des dons singuliers : elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs. Elle vit paisiblement sur l’arche d’Anima quand on la fiance à Thorn, du puissant clan des Dragons. La jeune fille doit quitter sa famille et le suivre à la citacielle, capitale flottante du Pôle. A quelle fin a-t-elle été choisie ? Pourquoi doit-elle dissimuler sa véritable identité ? Sans le savoir, Ophélie devient le jouet d’un complot mortel.

Si vous me suivez sur les réseaux sociaux, mon amour pour ce livre ne vous est donc pas étranger. J’ai tellement aimé ce livre que je n’ai pas réussi à vous en parler la première fois que je l’ai lu, c’est pour dire ! Je ne savais pas par quel bout le prendre ni comment exprimer tout ce que ce roman a pu me faire ressentir.

C’est donc à l’occasion de ma relecture que je vais tenter de vous donner mon avis détaillé sur ce livre dont je suis éperdument éprise.

Ophélie, la Passe-Miroir

« Passer les miroirs, ça demande de s’affronter soi-même, avait dit le grand-oncle. Ceux qui se voilent la face, ceux qui se mentent à eux-mêmes, ceux qui se voient mieux qu’ils sont, ils pourront jamais.  »

Je commence donc par Ophélie. Ophélie, ce personnage qui m’a fait l’effet d’un miroir, me renvoyant mon propre reflet à la figure. C’est une femme silencieuse, maladroite, indépendante, qui peut avoir l’air soumise mais qui n’en fait finalement qu’à sa tête. J’ai tout aimé chez elle, de ses silences à ses colères, de ses faux pas à coup de génie… Elle m’a conquise dès les premières pages et mon affection pour elle n’a fait que se renforcer au fil des pages. Ophélie n’est pas parfaite. Elle ne sait pas garder un objet dans les mains sans le faire tomber, s’habille de manière déplorable d’après les autres et ne sait pas se tenir en société. Elle ne correspond à aucun critère de la norme. Mais elle est parfaitement imparfaite. C’est un personnage qui derrière ses lunettes colorées, observe, qui derrière son écharpe animée, ne parle certes pas beaucoup, mais n’est pas stupide. Malgré sa naïveté, elle apprend et évolue dans un monde qui lui est totalement étranger. Quiconque à sa place aurait craqué, se serait enfuie ou serait mort. Mais pas elle. Derrière sa timidité et son renfermement, se cache une femme forte à la volonté de faire qui ne se laisse pas marcher sur les pieds.

Mais ce que j’ai le plus aimé chez ce personnage, c’est le fait qu’elle est parfaitement fidèle à elle-même. Depuis le premier chapitre jusqu’au dernier, rien ne la change. Elle est parfaitement consciente de tout ce qu’elle est, consciente de ses défauts et ses qualités, de ses faiblesses et ses forces et elle en assume chacun d’entre eux. En plus d’avoir le pouvoir de lire et de traverser les miroirs, elle a un autre super pouvoir : celui de réchauffer le cœur.

« Ecoute moi bien, fille… Tu es la personnalité la plus forte de la famille, ma petite. Oublie ce que je t’ai dit la dernière fois. Je te prédis que la volonté de ton mari se brisera sur la tienne. »

Thorn, l’Intendant

Je ne jamais par quoi commencer quand il s’agit de parler de Thorn. C’est un personnage qui m’a tout autant touché qu’Ophélie mais d’une manière différente. Thorn est un personnage aux innombrables défauts : il est taciturne au point d’être désagréable, il n’accorde que peu d’importance à ce que les autres pensent ou ressentent… Et pourtant on s’attache à cet homme bourru. Je me souviens qu’à la première lecture, mon avis était tout aussi mitigé et changeant que celui d’Ophélie à son propos. C’est toujours un peu le cas, trouvant que certaines de ses actions sont répréhensibles, que son insensibilité est blessante. Mais je ne peux m’empêcher d’y voir une personne que j’aurais aimé connaitre et dont je serai sans doute tombée amoureuse contrairement à Ophélie (oui je sais, je suis plus faible qu’elle !). C’est un homme rude mais intransigeant, , qui ne fait confiance à rien ni personne hormis les chiffres. Mais c’est aussi un homme qui tente de faire des efforts envers Ophélie. C’est très peu, c’est subtil mais c’est un immense effort de sa part. C’est également un personnage qui a une volonté de fer, même si Ophélie l’emporte sur ce point à mon avis. C’est un homme qui avance contre vents et marées, et qui fait très bien son travail. C’est un homme de principes, qui n’est pas hypocrite. C’est je pense, le seul de l’arche du Pôle à se montrer sur son vrai jour. Et c’est tout ces défauts et qualités qui font de lui l’un de mes personnages littéraires préférés.

Ophélie et Thorn, un couple qui n’en est pas un

« Ophélie enfonça son doigt dans la glace comme s’il s’agissait d’une eau dense et, soudain, elle les vit tous les deux. Une petite Animiste avalée par son manteau trop grand, l’air maladif et étourdi. Un Dragon, immense, nerveux, le front plissé par une tension cérébrale permanente. Deux univers inconciliables. »

Ophélie et Thorn partent sur de mauvaises bases. Le mariage est pour tous deux leur dernier souhait et pourtant, les voilà forcés de s’unir l’un à l’autre. C’est la première chose qui m’a fait aimé ce duo. Pour la première fois, nous avons deux personnages qui sont forcés de se marier contre leur volonté et qui doivent faire avec. Aucun des deux ne le souhaitent, ils sont sur un rapport d’égalité assez peu commun. Tous deux sont très différents l’un de l’autre et pourtant, je leur ai trouvé une certaine ressemblance qui fait que je trouve qu’ils forment un magnifique duo. Tout d’abord, ils ont tous les deux une volonté implacable. Volontés qui entrent en collision à certains moments, ce qui provoque quelques étincelles. De plus, ils sont tous les deux fidèles à eux-mêmes, qu’importe ce que pensent les autres. Ils sont chacun conscient de ce qu’ils valent et ne se soucient pas de l’opinion des autres. Pour « deux univers inconciliables », j’ai trouvé dans cette relation une force et une beauté rare.

Bérénilde, un personnage plein de surprises

Même après deux lectures, Bérénilde n’a cessé de me surprendre. C’est un personnage complexe qui dévoile ses facettes au fur et à mesure de l’intrigue. Je suis toujours mitigée à son sujet quand je sors de ma lecture du premier tome. C’est une femme qui peut se montrer attachante à un moment puis détestable la minute d’après. On ne sait jamais sur quel pied danser avec elle et c’est ce qui donne à l’intrigue une certaine tension, qui garde le lecteur vigilant quand il est en sa présence. Néanmoins, on ne peut s’empêcher de s’attacher un minimum à elle. Son amour sincère pour Farouk est touchant, et, derrière ce masque de femme de fer, de dragon redoutable, se cache une femme qui a pris de nombreux coups mais qui reste sur ses pieds et qui continue à faire ce qu’il faut pour survivre. Donc malgré tout, j’admire sa force et ce personnage aux multiples facettes.

Tante Roseline, une alliée cachée

« – Vous sentez-vous capable d’endurer cela?

– Si c’est dans l’intérêt de ma nièce, je me sentirai même capable de récurer votre pot de chambre. »

La tante Roseline m’a agréablement surprise et durant ma seconde lecture, cela m’a fait très plaisir de la retrouver. Si elle paraît un peu lourde au départ, elle s’avère être une alliée inestimable pour Ophélie quand elles arrivent au Pôle. Elle joue son rôle de chaperon et de marraine jusqu’au bout et ne laisse jamais tomber sa nièce. Elle est d’ailleurs prête à tout pour l’aider au maximum et j’ai trouvé cette dévotion très touchante. C’est vraiment un très beau personnage.

Archibald, un Chapelier Fou au Clairdelune

Archibald, l’attrape-coeur du Pôle ! Aucune femme ne lui résiste, pas même Bérénilde. Et j’avoue avoir moi aussi été sensible à ce personnage par certains égards. Tout d’abord, j’ai beaucoup aimé son attitude totalement décalée dans ce monde de cour et j’admire le fait qu’il arrive tout de même à s’en faire aimer. J’admire aussi son principe de franchise même si on ne doute pas du fait que cela ne l’empêche pas de jouer un rôle. C’est un personnage que l’on a du mal à cerner. On ne sait pas si Ophélie peut lui faire réellement confiance mais d’un autre côté, il se révèle être d’une aide précieuse tout au long du roman.

Je pourrais continuer encore longtemps sur les différents personnages tels que Renard, Gaëlle, la Mère Hildegarde, Farouk… Tous les personnages sont d’une complexité rare et hors du commun, pourtant si proche de la réalité que cela semble facile à réaliser. Cela donne l’impression que Christelle Dabos n’a pas créée des personnages mais de véritables personnes et je trouve cela incroyable.

Un monde construit et complexe

En plus des personnages, nous avons droit à un univers maîtrisé à la perfection. J’ai adoré découvrir l’arche d’Anima puis celle du Pôle, qui nous a réservés d’incroyables surprises. Le Pôle est une oeuvre d’art architecturale qui est un vrai délice pour l’imagination. La cour est un monde qui est à la fois époustouflant et repoussant. L’autrice ne cesse de jouer avec le beau décor, la beauté des costumes et des personnages pour ensuite retirer l’illusion et dévoiler la misère des lieux et l’âme sombre des personnages de la cour. On en cesse donc de voguer entre émerveillement et répulsion ce qui crée un sentiment assez étrange qui donne envie d’en savoir encore plus mais en redoutant ce qui va se révéler. Le tout est incrusté de détails qui font de cet univers, quelque chose de complexe et de profond. C’est comme plonger dans le livre à la manière d’Ophélie dans un miroir. C’est un sentiment grisant et addictif.

Un style savoureux

« Un mort, ce n’était pas seulement la perte d’un être cher. C’est une part entière de soi qui disparaissait dans le néant.[…] Oublier les morts, c’était comme les tuer une seconde fois. »

Tout cela est enrobé d’une plume exquise que j’ai savourée avec autant de plaisir d’un chocolat qui fond sur la langue. La poésie qui se dégage de ce roman embellit l’histoire et les personnages. Elle fait voyager le lecteur comme nul autre. Je suis totalement tombée sous le charme.

Pour conclure, c’est un véritable plaisir de découvrir et redécouvrir cet univers, c’est comme se blottir dans sa couverture (ou écharpe !) préférée pendant un jour de pluie, une tasse de thé à la main.

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