« Il disait que c’était dans les histoires que la magie résidait. Que c’était quand on en imaginait une qui n’avait jamais êté racontée qu’on lui donnait vie et qu’on lui donnait ses pouvoirs. Ses vrais pouvoirs. »

Ermeline Mainterre s’est promis de devenir une magicienne dont chacun connaîtrait l’existence. Pour cela, elle ne reculera devant rien. Pas même lorsque le monde connaîtra sa perte.
La lumière du soleil ne traverse pas la Brume, à Tinkleham. Contre la menace des Spectres qui planent aux abords de la ville et font disparaître ses habitants sans laisser de traces, les mages du Beffroi apprennent à manier les carillons pour les repousser. Ermeline a choisi cette voie et compte bien devenir la meilleure de tous, portée par ses rêves de grandeur, à la fois fascinants et terrifiants.
Mais les Spectres ne sont pas le plus grand péril en vue. Ermeline réussira-t-elle à graver son nom dans l’histoire ? Jusqu’où ira-t-elle pour devenir inoubliable ?
« Moi je pense qu’il y a du vrai et de la magie dans toutes les histoires, qu’il disait. »
J’ai rarement été aussi soufflée par une lecture. Je ressors de ce livre totalement sonnée. Elle est là, la catharsis d’Aristote. Cette héroïne ni héroïque ni méprisable, cette héroïne du milieu.
Qui est Ermeline Mainterre ?
C’est la question, si simple, si complexe, si terrible, qui sous-tend tout le roman.
Qui est-elle, cette Ermeline Mainterre ?
Une héroïne tragique. L’héroïne tragique antique de notre modernité. Elle évolue sous une plume terriblement efficace, qui porte sa voix, qui la fait résonner, dans les lettres, les mots, les chapitres, en nous.
Qui est Ermeline Mainterre ?
Une jeune fille qui aime la magie, qui veut être magicienne, qui a des idées plein la tête et la volonté de laisser une trace. C’est une adolescente qui veut être la meilleure, qui veut être retenue, qui veut être connue, qui veut être reconnue. Elle rêve de grandeur.
Et pourtant, c’est une apprentie magicienne terriblement moyenne.
Elle ne tient pas la comparaison avec son amie Justine, qui excelle en magie. Elle ne tient pas non plus la comparaison avec Mickral, vers qui sont tournés les yeux de Justine, cette Justine qu’Ermeline aime. Mais elle tient encore moins la comparaison avec Archie, si silencieux, qui connaît l’avenir sans jamais pouvoir le dire, magicien parce qu’il est devin.
« Je pense qu’on peut imaginer toi, moi, n’importe quoi, et cette histoire aura quelque chose de vrai, en fait. Quelque part, je ne sais pas chez qui ni quand, mais elle résonnera. »
Qui est Ermeline Mainterre ?
C’est une figure du tragique, dont le Destin est écrit, gravé dans le giron réconfortant d’une mère des suites d’un cauchemar d’enfant. C’est la figure tragique qui infléchit le Destin, qui commande au Destin, qui en comprend les rouages. C’est la figure tragique qui le réécrit, en lettres de sang. Ermeline Mainterre est finalement toutes les personnes qu’elle a jamais rencontrées, toutes les personnes qu’elle a aimées, amies, amis, parents, frères, Magisters.
Dans cet univers impitoyable, toujours brumeux, seule la mélopée éternelle des carillons protège Tinkleham des Spectres, créatures mortifères aux chants funestes. Ils sont attirés par les humains, qu’ils font disparaître au toucher. Point d’étoiles dans le firmament, point de doux rayons du soleil pour réchauffer le vent glacial, seul le chant des carillons, incessant.
Et pourtant, il va cesser, il doit cesser, c’est écrit, c’est dit, telle est la prophétie du titre, écrite par l’auteur, pérennisée par son lectorat. Le Silence de Carillons, le titre est lu, et il se réalisera. Impossible de lâcher notre lecture, de lâcher cet univers si riche, à la fois post-apocalyptique, pré-apocalyptique, et apocalyptique.
« Elle se fera la voix de ceux qui n’ont rien ou qui ne cherchent rien. Ceux qui trouvent, au détour d’une page sans vraiment savoir ce qu’ils font là, l’écho de ce dont ils avaient besoin, à cet instant. »
Impossible également de lâcher ses personnages, impossible de ne pas les aimer, tous. La narration y est pour beaucoup ; si elle se présente comme une traditionnelle narration à la première personne, c’est en fait les mémoires de l’héroïne tragique, si brillamment mis en scène avec les temps du passé, si étranges pour narrer des évènements présents.
Et pourtant, ces événements sont inéluctables puisqu’ils sont tragédie. Les personnages n’échapperont pas à leur destin, à leur don, à leur héroïsme.
C’est un récit bouleversant, une épopée magnifique, et le style de l’auteur, si poétique, si antithétique, si tragique, n’y est pas étranger. Édouard Blaes sait manipuler les images, les mots, la magie intrinsèque des histoires… et il le fait avec brio. Le titre est aussi poétique que l’est le reste du roman. Aussi bien construit que l’entièreté de l’histoire.
Qui est Ermeline Mainterre ?
Un chef-d’œuvre. Un chef-d’œuvre qui, pour paraphraser Mickral, résonnera, sera la voix, l’écho de ce dont on a besoin. C’est aussi une Poétique poétique.
Qu’est-ce qu’une histoire finalement ? C’est la deuxième question de ce roman. C’est de la magie, c’est de l’espoir, c’est du tragique, c’est une réponse, c’est une question, c’est notre magie.
Qui est Ermeline Mainterre ?
L’héroïne tragique qui bat le Destin en brèche, et qui pourtant évolue dans le même cadre que toutes les autres héroïnes tragiques avant elle ; toutes ses actions mènent, ont menées, à la résolution, à la fin, à ce terrible épilogue, si difficile à travers le voile de larmes.
Qui est, finalement, Ermeline Mainterre ?
Quelqu’un dont le monde aura besoin, au moins quelqu’un, quelque part, d’une manière ou d’une autre. L’héroïne d’un nouveau monde, qui a tous les codes, qui brisent tous les codes, de notre monde antique.
« Peut-être que c’est juste une image, peut-être que c’est juste un hasard. Mais je pense que toutes les histoires ont cette magie-là. Au moins. »