« – Pas de sanglots.
– Pas de tombeaux. »

Les bas-fonds de Katterdam s’organisent en gangs rivaux.
L’homme le plus ambitieux et le plus jeune de la pègre est Kaz Brekker: aussi brillant que mystérieux, aussi charismatique que dangereux, et, surtout, connu pour être un voleur hors pair. Prêt à tout pour de l’argent, il accepte la mission du riche marchand Van Eck: délivrer un savant du plais de Glace, réputé imprenable.
Ce prisonnier est l’inventeur du « jurda parem », une drogue multipliant sans limites les pouvoirs surnaturels de la caste des magiciens: les Grishas. Une drogue qui, tombée dans les mauvaises mains, risque d’engendrer un chaos irréversible.
Cassitrouille
J’ai découvert cet univers à travers la série Shadow & Bone – dont le nom me fera toujours immensément rire à être ainsi au singulier – et je suis directement tombée amoureuse du trio que constituait Kaz, Inej & Jesper, ainsi que des ennemis to lovers qu’étaient Nina & Matthias… Et puis j’ai découvert qu’il y avait une duologie exactement sur ces personnages-là, et qu’en plus, les livres étaient écrits par Leigh Bardugo ! C’est une autrice dont je n’avais jamais lu les livres, mais dont une bookstagrameuse que je suis apprécie énormément et en fait régulièrement la propagande ! Alors ni une, ni deux, je me suis jetée dans le bouquin, et j’ai entraîné Nawal avec moi.
Mouahahaha
Nawal
Ce livre m’a hantée. Je l’ai lu une première fois il y a quelques années et je l’avais adoré mais le second tome n’étant pas publié en France, je me suis arrêtée là. Puis la série est sortie. J’avoue ne pas avoir prévu de la regarder. De un parce que l’autre partie du Grishaverse ne m’intéressait pas particulièrement, de deux parce que je ne voulais pas me spoiler le fameux second tome jamais lu. Mais Cassie étant particulièrement persuasive, je me suis lancée dans la série et j’ai retrouvé avec une immense joie les Crows. Alors me revoilà, le premier tome entre les mains à l’occasion du mois de la Fantasy parce que toute excuse est bonne pour lire de la Fantasy et de la BONNE Fantasy.
Cassitrouille
Il faut savoir que la Fantasy à casse improbable et moi, ça remonte à loin. Quand Kaz commençait à être obsédé par les magiciens de Ketterdam, j’étais plongée dans Artemis Fowl à déchiffrer le gnomique, le code éternité tout en suivant les stratégies improbables de ce génie du crime. Quel plaisir de retrouver dans un univers plus mâture, plus complexe aussi, ce genre de mon enfance !
Tous les éléments que j’aime y sont présents : des personnages franchement morally grey – certains tirant plus sur le noir que sur le gris d’ailleurs -, une situation totalement rocambolesque dont le cerveau de la bande certifie que si si on va s’en sortir, de la magie, des couteaux, des MEURTRES et des corbeaux… Incroyable.
J’avais en revanche un peu peur de la narration à six points de vue…
Nawal
C’est donc une vieille histoire d’amour entre Six of Crows et moi. J’avais adoré la manière dont l’autrice tisse son intrigue telle une araignée, qu’elle chronomètre à la minute près, les personnages créant des plans ingénieux et imparables… jusqu’à ce qu’ils leur éclatent à la tronche. Et ça, c’est magistral. Les personnages portent cet univers solide et complexe, mon amour allant principalement à Inej (une voleuse de secrets voulant devenir pirate, qui ne s’y attendais pas franchement ?) et à Jesper, mon TDAH préféré. Ma relecture n’a fait que renforcer mon amour pour ces personnages, mon attendrissement pour le pauvre Wylan, ma fascination pour Kaz. La seule chose ayant changé, c’est mon point de vue sur Nina et Matthias qui n’étaient pas mes préférés à l’époque et auxquels je me suis finalement attachée.
Cassitrouille
C’est toute la force de Leigh Bardugo ici : on peut avoir nos préférés, bien sûr, mais tous les personnages restent attachants, intéressants et leurs points de vues alternes en osmose complète avec la narration. On ne passe pas arbitrairement de Kaz à Jesper puis à Nina parce qu’il faut donner le relais à un autre narrateur pour l’équité, non. On passe de Kaz à Jesper parce que Kaz a fini la première étape permettant à Jesper de mettre en place la seconde qui enclenche alors la prochaine, celle de Nina. Tout est logique, et fait donc qu’on attend, qu’on peut presque deviner quel sera le prochain point de vue, puisque le narrateur est lié à l’intrigue. C’est d’ailleurs pour cela qu’on a souvent une alternance de point de vue entre les différents duos de ce sextuor : Kaz/Inej ; Nina/Matthias notamment.
Chaque point de vue nous fait plonger, à travers un style plus ou moins indirect libre, dans les pensées du personnage phare du chapitre. Comme chaque personnage est différent, nous entendons aussi leurs pensées de manière différente, et c’est une des vraies forces du roman !

Nawal
Ce que l’autrice semble également parfaitement maîtriser, c’est la cinématique de son œuvre. Là où certain.e.s auteurices ont tendance à se perdre dans des actions et des plans, ne sachant parfois pas quoi montrer ou quoi taire, Leigh Bardugo sait quand et comment montrer les choses. On peut tout à fait suivre le plan de Kaz à la lettre, en se disant “ok c’est nickel, tous les détails sont là, on a tout suivi”, pour se rendre compte finalement que quelque chose nous a échappé, alors on flippe pour les personnages… et ils s’en sortent parce que Kaz a encore une carte dans sa manche. L’autrice est donc capable de créer de véritables tours de magie avec sa narration, ce qui rend son roman si intriguant et si magique. Elle n’a de cesse de nous surprendre tout en ne nous laissant pas dans le flou total, occupant notre attention à un endroit pour mieux nous surprendre à un autre… Un coup digne de Kaz Brekker en personne.
Cassitrouille
Les qualités de cette autrice ne s’arrêtent pas là, puisqu’elle réussit en peu de pages à nous dépeindre ses personnages de manière très complète, ce qui nous permet d’autant plus apprécier leurs évolutions, leurs contradictions, mais également de mieux ressentir toute la tragédie qu’impliquent leurs différentes histoires. Certains passages sont littéralement crèvent-coeur parce qu’un personnage attend quelque chose d’un autre, chose qui est impossible. Je pense notamment à la relation si particulière entre Inej et Kaz ; Inej aimerait qu’il fasse un pas vers elle, qui lui rende l’affection physique qu’elle a envers lui… sauf que le bâtard du Barrel ne peut pas toucher qui que ce soit, et que le fait même de la laisser le toucher est une preuve de son affection. Tout cela, en tant que lecteur, nous le savons, nous le mettons bout à bout, mais les personnages, eux, n’ont que leur propre point de vue, et donc ont le cœur brisé parce qu’ils ne comprennent pas tous les tenants et aboutissant d’une situation. Lee tragique repose finalement dans le fait qu’ils soient juste des adolescents lambdas et non pas des personnages omniscients.
Nawal
Des adolescents qui ont vécu plus de choses que la plupart d’entre nous ne vivrons jamais. La dureté de cet univers, de cette vie dans le Barrel en fait parfois oublier l’âge des personnages qui ont dû grandir bien trop vite, bien trop violemment. Des adolescents qui finissent criminels, voleurs. Mais des adolescents qui laissent libre cours à leur potentiel. En effet, j’ai adoré voir que certes, Kaz est le cerveau de cette bande de corbeaux, mais seul, il ne peut rien. Il a besoin du talent d’acrobate et de discrétion d’Inej, de la gâchette de Jesper, du savoir de Wylan, des talents de comédienne de Nina, de la force de Matthias. Le fait que chacun apporte ce que les autres manquent, que chaque potentiel est pleinement exploité, rend cette équipe imbattable et si attachante.
Cassitrouille
Et de potentiel, pour sortir son Corbeau du Palais de Glace, il va en falloir. C’est toute la beauté d’un casse, finalement, que rien ne se passe comme prévu. Ici, les obstacles permettent de voir la détermination des Crows, de les voir faire face à des vérités sur eux-mêmes : ce ne sont pas juste des péripéties dont le but est de prolonger l’action, de faire tenir encore quelques pages. Non, tout est nécessaire à l’intrigue, et Sankta Leigh veille à ce que ses personnages en sortent grandis. Comme le dit le proverbe de Fjerda, pays d’origine de Matthias, l’eau entend et comprend mais la glace ne pardonne pas ; il va leur falloir faire face aux affreuses vérités s’ils veulent s’en sortir vivants.
Nawal
Faire évader la personne la plus convoitée au monde de la prison la plus sécurisée au monde avec pour équipe une bande d’ados dont l’ennemie jurée du pays et un déserteur…. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? Comme vous vous en doutez, bien sûr que tout se passe MAL. Et pourtant, nos corbeaux persévèrent, redoublant d’ingéniosité qui nous fait retenir notre souffle jusqu’à la toute fin. Aucun répit ne leur est accordé, créant un rythme soutenu à l’histoire qu’on ne peut décidemment pas quitter des yeux (croyez-moi, j’ai essayé. Deux fois.). Et c’est ce qui fait toute la beauté de Six of Crows.
