Métisse, et alors ? – Patricia Houéfa Grange

Je ne renie pas mes origines
mais je ne viens pas que de là

Je suis des terres restées accrochées à mes pieds
Je suis le vent des cultures qui m’inspirent
Je suis la tempête sans fin des questions existentielles

Résumé éditeur :

Je suis au confluent des traditions humaines
Je suis le carrefour de l’harmonie des peuples
Je n’ai pas de culture
Je suis toutes les cultures
Enfant, la petite Patricia entrevoit la complexité de son arbre généalogique.
Son métissage vient de loin : de la colonisation française au Bénin et des terres volcaniques du Cap-Vert. En grandissant, elle interroge sa famille : les ramifications se précisent, sa peau caramel se charge d’histoires.
Métisse en France, métisse au Bénin, ‘autrice attire notre regard sur celles et ceux qu’on surnomme les bâtards, les sangs-mêlés.

Recueil de poèmes s’inscrivant dans la collection Iconopop, Métisse, et alors ? a été une lecture fulgurante. Vraiment, je ne pense pas pouvoir qualifier autrement mon expérience face à ces poèmes.

Merci tout d’abord à la poétesse d’avoir livré au monde des poèmes si beaux, si pleins, si intimes. A la fois cri du cœur et vers aux langues incisives, le recueil est tout simplement foudroyant.

A travers chaque poème, chaque strophe, Patricia Houéfa Grange nous fait parcourir son arbre généalogique, dans toutes ses circonvolutions, ses malheurs, ses bonheurs, ses contradictions fondamentales. Elle met à mal, elle défait, poèmes après poèmes, vers après vers, l’idée terrible qu’une personne ne peut pas être pleinement d’une culture si elle vient aussi d’une autre.

Mon visage est caramel
Je suis ni d’ici ni d’ailleurs
j’ai fait mon nid ici mais je suis née ailleurs

Je suis Nid d’Ici Née Ailleurs

Mon visage est caramel

Je suis ni d’ici ni d’ailleurs
j’ai fait mon nid ici mais je suis née ailleurs
Je suis
Nid d’Ici Née Ailleurs

A travers son expérience, son métissage, la poétesse nous livre son identité propre, dans toute la beauté et l’horreur que cela peut signifier. Son identité, elle nous la chante en poésie, en inscrivant les insultes, en retraçant les pas de ses ancêtres.

Etrangère de ce côté,
Etrangère de l’autre côté,
Etrangère, stranger, extranjera, toɖěvomεnù, ajnabeeya,
Ajnabeeya, ajnabeeya, ajnabeeya,

Etrangère dans vos yeux, dans vos coeurs, ajnabeeya,
Ajnabeeya dans vos rires qui me raillent, étrangère
Etrangère face aux portes restées closes, ajnabeeya

Son identité, elle nous la chante également dans ses poèmes réflexifs, base d’une révélation de soi, d’une invention de soi.

Ajnabeeya je te fais mien, mot étrange, ajnabeeya
Ajnabeeya je t’habite, mot étrange, ajnabeeya
Ajnabeeya je m’affrime étrangère, sans frontière, singulière,
ajnabeeya
Ajnabeeya
Ajnabeeya
Ajnabeeya

A travers ces poèmes aux vers si fins, si précis et si beaux qu’ils en deviennent viscéraux, Patricia Houéfa Grange apparaît, (se) transcende ; elle foudroie. Peu de poète et poétesse peuvent se targuer de créer des vers aussi puissants, à la beauté indicible et pourtant si présente qu’on pourrait en pleurer d’extase.