Depuis toujours nous étions tous deux des menteurs émérites et éhontés.
« Depuis toujours nous étions tous deux, de notre propre aveu, des menteurs émérites et éhontés. » Ainsi Pénélope évoque-t-elle le couple qu’elle formait avec Ulysse – Pénélope qui, comme son époux, recourut à la ruse et à l’artifice pour sauver sa vie.
Selon Homère, Ulysse à son retour de Troie massacra tous les prétendants à son trône qui, en son absence, avaient courtisé son épouse. Mais il fit aussi pendre les douze servantes de Pénélope qu’il accusa de l’avoir trahi. Dans cette relecture originale du mythe grec que nous propose Margaret Atwood, Pénélope, hantée par la mort de ses servantes, raconte depuis les Enfers sa propre version de l’histoire, celle d’une femme, d’une épouse, d’une mère et surtout d’une reine bien plus lucide et plus forte que ce que les hommes ont voulu croire jusqu’à aujourd’hui.
Pénélope était décidemment à l’honneur dans mon challenge Nerdae Antiquae cette année. C’est généralement une figure de l’Antiquité que je respecte pour son intelligence et son incontestable patience (sérieusement, comment elle a fait pour non seulement supporter l’égo d’Ulysse mais aussi l’attendre durant vingt ans ? Elle méritait tellement mieux !). Néanmoins, la plupart des réécritures que j’ai lu ne m’ont pas convaincu. Hormis celle-ci.
Récit court, percutant, qui reprend parfois le format d’une tragédie grecque antique avec des parties de chœur chantées, l’Odyssée de Pénélope a un défaut : la traduction de son titre. Il fallait que je le mentionne, j’en suis désolée par avance mais, sérieusement ? L’Odyssée de Pénélope à la place de la Pénélopiade ? Il faut savoir qu’en grec, Ulysse se traduit par Odysseus. Donc l’Odyssée est littéralement le récit d’Ulysse. L’autrice a choisi de nommer son récit, la Pénélopiade, pour copier l’idée de Homère, à savoir, le récit de Pénélope. Alors pourquoi la traduction française ajoute le mot « odyssée » ? Je ne sais pas et cela m’a beaucoup contrarié. Et je voulais donc que vous le sachiez.
On en revient donc aux bons points de ce livre. J’ai généralement, et vous le savez, un peu de mal avec un style d’écriture moderne pour un récit sur l’antiquité. Eh bien sachez qu’ici, je l’ai beaucoup apprécié. Un certain mélange est fait, plein de sarcasme et d’ironie qui dessine une Pénélope attachante et pleine de ressources. Son intelligence subtile et sa perspicacité sont mises en valeur.
Nous avons donc affaire à l’envers du décor, l’attente et la gestion d’un domaine abandonné par son roi. Rien de bien excitant dit comme cela, mais si l’on regarde d’un peu plus près, nous avons le droit à un récit captivant de politique intérieur et de diplomatie.
La place donnée au chœur des servantes, exécutées par Ulysse et son fils, propose une vision et une réflexion intéressante de la place des femmes dans cette société et souligne le sexisme présent dans l’Antiquité mais aussi de nos jours, à nous concentrer sur les exploits d’Ulysse et passant sous silence ses défauts.
Je vous recommande donc ce court récit qui s’avère bien plus intéressant qu’il n’y paraît !