Anecdote Antique – Midas, le Pactole, et les récits étiologiques

Midas devant Bacchus, Nicolas Poussin, réalisée entre 1624 et 1630. Elle est conservée à l’Alte Pinakothek de Munich.

Qu’est-ce que c’est qu’un récit étiologique ? Pour en avoir une idée, direction la Phrygie, un royaume… lointain.

La Phrygie se situe en Asie mineur, ce qui correspond à la Turquie actuelle ; à l’époque, la région était connue sous le nom d’Anatolie. Elle a vu des empires se succéder, des royaumes fleurir puis dépérir… L’un des plus connus était l’empire perse, qu’Alexandre le Grand a conquis quelques petits siècles après le déroulement de notre présente histoire.

En Phrygie se trouvait un roi dénommé Midas, qui n’était pas particulièrement porté sur les voitures – il faut dire qu’elles n’existaient pas à cette époque ! – ni même sur les chars. Non, si Midas est connu c’est parce qu’il a eu affaire et a fait affaire avec Dionysos, divinité du vin, de l’ébriété et de la nature sauvage, entre autres.

Voyez-vous, Dionysos a été élevé par Silène, un satyre. Mais qu’est-ce que c’est qu’un satyre, pourriez-vous me demander. Et bien, un satyre, à ne pas confondre avec le genre de la satire, est une créature au buste et à la tête humaine (ici nous défendons l’accord de proximité) mais aux jambes et aux sabots de bouc ou chèvre. Ils sont les suivants de Pan, divinité redoutée et redoutable de la nature – d’où une peur panique – et de Dionysos. Ce sont de bons vivants, doux euphémisme pour vous laisser entendre qu’ils sont plus souvent saouls que sobres. Et justement…

Notre bon Silène – loin d’être bon, les satyres étaient clairement les giga beauf de l’époque –, ayant bu le tonneau de trop, s’est égaré aux abords du Pactole, fleuve qui coulait jusque-là sereinement en Phrygie. Heureusement pour lui, le roi Midas et sa suite se trouvaient justement par là. Reconnaissant le satyre pour ce qu’il était, le roi lui offrit le gîte, le couvert mais surtout la boisson.

Inutile de vous dire que la Phrygie connut quelques soirées très très festives, probablement des lendemains très très boisés. La fête fut d’autant plus renouvelée quand Dionysos retrouva enfin son satyre égaré. Constatant comme Midas avait soigné son hôte, le dieu décida de récompenser le roi : il lui offrit alors la possibilité de lui réaliser un vœu.

Avant de se mettre à hurler au capitalisme et à l’appât du gain, il est important de contextualiser un petit peu. La Phrygie était un royaume tout nouvellement unifiée. Le père de Midas avait réussi à mettre fin aux luttes de pouvoirs ayant cours au sein des différentes peuplades du territoire puis avait construit une capitale et des temples. Toute cette entreprise BTP, en plus des précédentes guerres, ont laissé tragiquement vides les coffres du royaume. Or, pour tout jeune état, des caisses désespérément vides, ça n’augure rien de bon. Midas demanda donc à Dionysos de lui permettre de changer en or tout ce qu’il touchait.

Sauf que voilà, faire un vœu auprès d’un dieu, surtout quand il a un sacré coup dans le nez, c’est un peu l’équivalent de demander quelque chose à un génie facétieux ou à un latin mutin. Bref, ledit vœu a été pris vraiment au pied de la lettre : tout ce que touchait Midas devenait effectivement de l’or. Et, même si l’or est comestible dans une certaine mesure, ça ne nourrit guère son homme, plutôt l’inverse même à fortes doses. Si au final les coffres étaient remplis pour les millénaires à suivre, le ventre du roi restait, quant à lui, aussi désespérément vide que l’était le trésor royal précédemment.

            Juste avant que Dionysos et son cortège, suite divine constituée de satyres, de ménades et autres divinités ou nymphes de la nature, s’en fussent, Midas le supplia de reprendre son don. Malheureusement pour lui, rien de ce qui n’est fait ne peut être défait. Enfin, heureusement pour lui les divinités ont le chic pour trouver les vides juridiques du destin. Le dieu conseilla donc d’aller sur la rive du Pactole, là où il avait trouvé Silène, et de s’y laver les mains comme l’exigeait les rites de son peuple. Aussitôt, des paillettes d’or se dispersèrent. Elles allèrent de ses doigts à la source, jusqu’à ce que celle-ci devienne scintillante, charriant inlassablement l’or que Midas avait au bout des doigts. C’est ainsi que, non content d’avoir rempli le trésor de son empire, il créa, en retournant son don divin à la nature, une source qui porterait de l’or à son peuple pour les générations à venir.

            Et en effet, le Pactole est un fleuve aurifère, c’est-à-dire que son courant emporte avec lui un peu d’or, qui a fait la richesse de l’empire phrygien. Cette légende permet alors d’expliquer d’où provient un phénomène naturel, ici celui d’un fleuve charriant des paillettes d’or.

            Inutile de vous dire que la Phrygie connut quelques soirées très très festives, probablement des lendemains très très boisés. La fête fut d’autant plus renouvelée quand Dionysos retrouva enfin son satyre égaré. Constatant comme Midas avait soigné son hôte, le dieu décida de récompenser le roi : il lui offrit alors la possibilité de lui réaliser un vœu.

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