Sous les Etoiles de Bloomstone Manor, Mary Orchard

Au cœur d’un manoir pas comme les autres, l’histoire d’une femme de science en avance sur son temps.


Ce titre me faisait de l’œil depuis un bon moment à la librairie, et c’est ma collègue spécialisée dans la jeunesse qui m’a définitivement convaincue d’acheter ce livre ! Et heureusement, parce que j’ai absolument adoré !

Sous les Étoiles des Bloomstone Manor est un roman très intéressant en ce qu’il est une romance comme on pense en avoir lu pléthore… mais en même temps, l’autrice a su mettre des petits coups de peps et des twists qui ont su rendre l’intrigue originale. Nous suivons Agathe, fille d’une famille bourgeoise anglaise qui se passionne pour l’astronomie… au grand dam de ses parents, qui préféreraient la voir porter plus d’attention à ses prétendants. Sauf qu’Agathe, elle, trouvent les hommes qui fréquentent les balls où on la traine de force au mieux ennuyeux. Mais bien plus souvent carrément insultants.

Tout cela change le jour où sa famille, qui a récemment déménagé à la campagne, est invitée par leur prestigieux nouveau voisin, un Lord habitant avec son cousin à Bloomstone Manor. Une telle invitation est une opportunité sociale rare que les parents de la jeune fille sont ravis de saisir ; Agathe est, elle, intriguée par le fait que leur hôte soit un ancien professeur de physique. Les deux s’entendent si bien que ce dernier lui propose de venir passer une semaine au manoir pendant que ses parents sont en voyage d’affaires à Londres. Il s’agit d’une proposition qui ne peut être refusée, pour le plus grand plaisir de la jeune astrophysicienne. Commence alors pour elle une véritable course contre la montre afin de participer au concours de projet scientifique de la Royal Society, sous le patronage de Stone.

J’ai beaucoup apprécié comment, tout au long du roman, on ne perd pas de vu cet objectif premier et cette passion dévorante qui anime Agathe. Le traitement à la fois de l’exception que constitue Bloomstone Manor, la liberté d’Agathe ainsi que l’entorse absolument scandaleuse qu’elle constitue à la bonne société est très à propos : l’atmosphère sociale de l’époque n’est pas idéalisée et si le mode de vie qu’Agathe découvre au manoir est idyllique, l’autrice arrive parfaitement à rappeler qu’il s’agit là d’un petit miracle, seulement possible grâce à la force de volonté des membres de la maisonnée. Un autre point très intéressant de ce roman est que la romance ne se développe qu’à partir du moment où Agathe est dans un environnement propice à son épanouissement : ce n’est pas un personnage qui rejetait l’amour et le mariage parce que construit sur l’idée qu’elle « n’est pas comme les autres filles », c’est un personnage qui souhaite s’épanouir, qui saisit cette opportunité et qui, sur le chemin, trouve l’amour sans le rejeter par principe mais l’accueille pour ce qu’il est.

Agathe va rencontrer de nombreux personnages au court de ce roman ; tous sont superbement construits. J’ai personnellement beaucoup apprécié les différents personnages féminins, qui ont si bien mis en avant la pluralité qu’est la féminité. Entre la dame de compagnie, qui oscille entre modernité et conservatisme, la mère d’Agathe, tiraillée par son rôle d’épouse de bonne famille et l’amour qu’elle porte à sa fille, Lady Rutherford, femme résolument moderne coincée dans un mariage loin de l’être, miroir de ce que pourrait être la vie d’Agathe, et Lucy, devenue bien vite la meilleure amie de ma jeune fille, toutes ont leur caractère et histoires propres. L’amitié de Lucy et Agathe est particulièrement rafraîchissante parce qu’elles sont amies malgré leur différences, tant de classes sociales que d’intérêts : Lucy est très joyeuse, très extravertie, et elle adore coiffer Agathe, là où cette dernière est plus introvertie et préfère la science. Et pourtant, elles se disent tout et s’entendent à merveille ! Les personnages masculins ne sont pas en reste et Mary Orchard prouve qu’une romance n’a pas besoin de masculinité toxique pour fleurir et tenir en haleine son lectorat ! J’ai pu retrouver avec un plaisir immense ce genre de personnage masculin doux, passionné, attachant et aimant qui a bercé toute mon adolescence !

Outre les personnages, l’autrice a su manier avec brio les différentes intrigues qu’elle a construites tout au long du roman, ce qui m’a fait lire ce livre d’une traite. J’ai adoré pouvoir élaborer des théories sur l’identité de la personne à qui étaient adressées les mystérieuses lettres trouvées par Agathe, tenter de découvrir qui avait dérobé le cœur de Stone. Le drame familial qui divise la famille d’Agathe a été, à mon sens, écrit avec justesse, tant sur les émotions que ressent Agathe face à cette séparation que les prises de contact de sa mère.

Dernier coup de maître de Mary Orchard, déjà abordé un peu plus haut mais qu’il me semble indispensable de développer encore un peu : les enjeux sociaux. J’aime beaucoup comment ce roman montre que changer la société est un phénomène long, mais qui commence par soi, par son entourage ; que c’est une entreprise qui, pour réussir, est multigénérationnelle mais également intersectionnelle. Lutte des classes, place de la femme, orientation amoureuse, tout se combine ici dans la meilleure disposition possible pour permettre au petit paradis qu’est Bloomstone Manor de vivre. En ce point, les trois romances, celle de Lucy, celle d’Agathe et celle de Stone, sont véritablement le point d’orgue de cette intersectionnalité : aucune des romances n’est rabaissée parce qu’elle met en scène des personnages d’un rang social inférieur, du même genre, ou des jeunes. J’ai beaucoup apprécié comment la romance entre Agathe et Adrian et la romance homosexuelle étaient presque écrite en contrepoint, se mettant en valeur l’une l’autre, se normalisant l’une l’autre. Les petits mots de fin sur Oscar Wilde et sur la découverte de Pluton ont été tout à fait à propos, permettant de rattacher une si magnifique fiction dans le réel. Un roman léger, mignon et qui pourtant aborde de nombreux sujets d’importance avec une justesse et une beauté certaines !

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