All these bodies – Kendare Blake

Résumé éditeur :

Seize corps vidés de leur sang. Deux adolescents. Une explication incroyable.
Été 1958. Une série de meurtres frappe le Midwest américain. Les victimes sont retrouvées dans leur voiture, dans leur maison, et même dans leur lit, le corps exsangue, mais sans aucune trace de sang. Lorsque la famille Carlson est massacrée dans sa ferme du Minnesota, Marie Catherine Hale, 15 ans, est retrouvée sur les lieux. Elle est couverte de sang de la tête aux pieds et, dans un premier temps, on la prend pour une survivante. Mais aucune goutte de ce sang n’est le sien.
Michael Jensen, fils du shérif local et aspirant journaliste n’aurait jamais imaginé que le plus grand fait divers de son époque lui tomberait dessus, ni qu’il serait mêlé à l’enquête lorsque Marie décide qu’il est le seul à qui elle se confessera.
Alors que Marie raconte sa version de l’histoire, il revient à Michael de découvrir la vérité :
que s’est-il réellement passé la nuit où les Carlson ont été tués ?
Et comment cette fille s’est-elle retrouvée au milieu de tous ces cadavres ?

Au salon de Montreuil – oui, ça commence à remonter – on a nos petites habitudes avec Nawal… et passer par le stand de Leah éditions en fait partie. Cela n’a évidemment pas loupé, nous avons acheté toutes les deux de quoi nourrir notre PàL infinie. All These Bodies était joliment mis en avant, et en plus c’est un roman écrit par Kendare Blake, une autrice que j’apprécie tout particulièrement depuis que je suis collégienne… j’ai donc craqué. Et j’ai, encore une fois, bien fait ! (Ne suivez pas ce compte si vous essayez de résister aux achats d’impulsion, on a donné notre porte-monnaie à la cause…)

Avec Kendare Blake, on est tout de suite happée par l’intrigue et par ses personnages. Si elle a des thématiques récurrentes – les femmes meurtrières et les amours impossibles -, elle arrive toujours à les renouveler et à les traiter de manière originale ! Dans All these Bodies, nous suivons donc l’enquête d’un jeune aspirant journaliste, Michael, qui tente d’avoir la version des faits de Marie, seule rescapée d’une tuerie plus qu’étrange. Une tuerie de plus à ajouter à une liste toujours plus dense. Des corps sont exsangues, et la jeune fille soutient que c’est là l’œuvre d’un vampire. Alors oui, mais point d’univers d’urban fantasy ou de réalisme magique ici ; on est dans l’Amérique des années 50. Notre Amérique dans nos années 50. Donc, a priori, sans vampire.

L’autrice installe avec brio une atmosphère fantastique, où le surnaturel flirte sans cesse avec la raison pour expliquer ces meurtres si particuliers. La vérité, les faits, c’est aux lecteurs de tenter de les extirper du témoignage de Marie et de l’enquête menée par Michael. Sauf que rien n’est limpide ; à l’image des personnages, on comprend vite que rien ne sera simple dans cette affaire. Le cheminement vers le dénouement, la vérité peut-être, est tortueux… et nous tient en halène jusqu’à la dernière page.

J’ai beaucoup aimé le traitement des personnages et de leurs intensions, ambitions et velléités. L’accent a été mis sur la psychologie et les motivations propres à chacun, ainsi que sur les interactions et relations qui se tissent face à une victime qui pourrait tout aussi bien être coupable. Personne n’est objectif dans cette affaire, personne n’arrive à préserver une nécessaire neutralité. Tous s’impliquent bien trop pour le bien de l’enquête… Et en même temps, comment ne pas l’être ? Une jeune fille de 16 ans, pleine de sang sur une scène de crime, une jeune fille pâle, frêle, vraisemblablement complètement perdue… mais sans aucun remords ou ne serait-ce qu’une vague émotion face à la tragédie dont elle a été la témoin. Revient alors cette question : victime ou coupable ?

L’originalité de ce roman se trouve dans le traitement de l’affaire : si l’on veut savoir ce qu’il s’est passé, comment, pourquoi, il s’agit en fait de réponses assez triviales. Carrément contre intuitif dans un polar ou un thriller ! Et pourtant… Et pourtant ! Peu importe, au fond, comment les corps ont été exsangues. Non, l’important, c’est Marie, son témoignage, c’est Michael, sa retranscription. C’est savoir si elle sera jugée coupable, innocente, un peu des deux. Si elle sera crue ou non. Si elle mourra ou non. Et de quel côté, nous lecteurs, nous nous situons.

Qui ment ? – Karen M. McManus

Résumé éditeur :

Une intello, un sportif, un délinquant, une reine de beauté… un meurtrier.
Qui allez-vous croire ?
Dans un lycée américain, cinq adolescents sont collés : Bronwyn (l’élève parfaite), Addy (la fille populaire), Nate (le délinquant), Cooper (la star du baseball) et Simon (le gossip boy du lycée).
Mais Simon ne ressortira jamais vivant de cette heure de colle…
Et les enquêteurs en sont vite sûrs, sa mort n’est pas accidentelle.
Dès lors qu’un article écrit par Simon contenant des révélations sur chacun d’eux est découvert,
Bronwyn, Addy, Nate et Cooper deviennent les principaux suspects du meurtre.
Ce qui est sûr, c’est qu’ils ont tous quelque chose à cacher…

A l’occasion de la sortie du troisième et dernier tome de la série écrite par Karen M. McManus, je me suis lancée dans la lecture du premier opus, Qui ment ?.

J’ai été conquise par la traduction du titre. S’il est vrai qu’elle s’éloigne de la version anglaise (One of us is lying ? littéralement “l’un de nous ment”), elle est cependant très accrocheuse et fonctionne extrêmement bien. En effet, les titres des second et troisième volets auraient été, à mon sens, trop lourds si traduits littéralement (One of us is Next, littéralement “l’un de nous est le prochain” et One of us is Back, littéralement “l’un de nous est de retour”). La narration chorale, de son côté, m’a plus qu’enchantée. Elle se marie à merveille avec cette intrigue à multiples suspects et elle était très bien travaillée, de sorte qu’on ne poussait pas un soupir à fendre l’âme dès qu’on quittait le point de vue de notre personnage préféré… et ça fait plaisir.

Nous suivons donc Bronwyn, Nate, Cooper et Addy, toutes et tous suspects dans l’affaire Simon. La police est persuadée que l’un d’eux a tué l’élève qui chapeautait Askip, l’appli de racontars – toujours vrais – et de potins – toujours juteux – du lycée de Bayview. Simon était une sorte de gossip girl version Gen Z : il étalait sur les réseaux la vie privée de tous, sans aucun scrupule. Et alors petite parenthèse de nerd de la traduction : j’adore comment a été adapté le nom de l’appli. En anglais, elle s’appelle Simon says, littéralement “Simon dit”… ce qui est notre équivalent du “Jacques a dit”. Mais bon, si changer les prénoms des personnages, c’était sympa dans les années 80, maintenant ça ne se fait plus trop : il faut donc ruser. Et “Askip”, mais vraiment, c’est un coup de génie. Une parfaite adaptation à la culture française, tout en n’étant pas une tentative ultra bizarre d’avoir un effet “djeuns”. Et juste merci quoi.

Ce Simon, donc, se fait assassiner pendant une heure de colle, et chaque personne semble avoir un secret qu’elle souhaitait garder… secret. Mais qui le voulait assez pour tuer un de leurs pairs ? Entrent donc en scène, les uns après les autres, nos principaux suspects. Et alors comment vous dire que j’ai été bluffée par le traitement des personnages. Karen M. McManus, en plus de créer des intrigues complètement dingues, écrit des adolescents, des vrais, tout en jouant sur tous les stéréotypes apportés par la culture américaine sur les nerds, les bad boys/girls, les sportifs & sportives et les populaires. Durant les premiers chapitres, Bronwyn, Nate, Addy et Cooper sont vraiment les parfaits clichés de ceux qu’ils sont sensés représenter. Bronwyn est une angoissée totale, qui veut entrer dans une bonne fac, une miss je sais tout insupportable, Addy une pimbêche sans cervelle qui suit aveuglément tout ce que lui dicte son copain parfait, etc. Sauf qu’en fait, non. L’étiquette qu’on leur colle au lycée ne les définit pas totalement, pas correctement, ni même entièrement. Dès le début, on se rend compte que Nate, le dealer qui se fiche de tout, n’est pas si je-m’en-foutiste qu’il veut bien le faire croire. Petit à petit, au fil des pages, chaque personnage se dévoile à nous, dans toutes leurs nuances et leurs complexités jusqu’à ce que l’on comprenne leurs motivations et leurs secrets. Rien n’est ni tout blanc, ni tout noir et beaucoup de thématiques très intéressantes sont abordées avec brio. Pression sociale, parentale, ou auto infligée, mais également discriminations raciales, d’orientation amoureuse et sexuelle, ou de classe, tout y passe.

J’ai beaucoup aimé comment les personnages se sont rapprochés, non seulement par affinités et par passifs en commun, mais également en fonction du type de pression qu’ils subissaient. Tout au long de l’enquête, les relations entre Bronwyn, Nate, Addy et Cooper se nouent, s’étoffent, se solidifient. D’autres entrent alors en jeu, et participent à l’évolution de la vision que l’on avait des quatre suspects.

Si les personnages sont un bijou d’écriture, l’intrigue n’est pas non plus en reste. Que l’on se laisse porter par les retournements ou que l’on tente de trouver le fin mot de l’histoire, chacun y trouve son compte. La complexité de l’affaire est assez présente et pour que l’on ne devine pas de suite l’explication finale et pour nous tenir en éveil tout au long des chapitres. On veut connaître le dénouement, on veut savoir qui a tué Simon, et on dévore donc en conséquence le roman !

Bref, j’ai vraiment adoré ce premier tome et je me suis attachée aux personnages que j’ai trouvé très bien construits. L’intrigue m’a franchement renversé le cerveau, et je n’ai eu qu’une hâte : lire le second.

La Neuvième Maison, Alex Stern 1 – Leigh Bardugo

Résumé éditeur :

Alors qu’elle se remet de ses blessures à la suite d’un massacre inexpliqué, Alex Stern se voit proposer d’intégrer l’université Yale au sein de la Maison Léthé.
Cette société secrète a pour mission de contrôler l’usage de la magie au sein des huit autres maisons que compte la prestigieuse institution. La jeune femme doit cette position enviable quoique dangereuse à un talent très particulier : elle est capable de voir les fantômes.
Mais un soir, elle est témoin d’un meurtre d’une violence rare. Son enquête la confrontera à des forces qui défient l’imagination…

Du Leigh Bardugo en mode dark academia ? Yeeeessss please. Et en plus c’est de l’urban fantasy adulte ? Yeeeeeep yep yep yep. Je partais donc convaincue d’avance ! En route pour découvrir les mésaventures d’Alex Stern, fille paumée, pauvre (doux euphémisme), en galère (understatement of the century) qui se retrouve projettée à Yale pour être membre d’une société secrète magique sensée être la police des autres sociétés secrètes magiques. (Beaucoup de sociétés secrètes magiques). Tout en, évidemment, validant son année. Elle qui n’a même pas fini le lycée. Et qui n’est pas magicienne, seulement traumatisée par les fantômes qu’elle voit. On commence fort.

Et alors, malgré mon enthousiasme, le début a été un peu rude. Le roman en vaut vraiment le coup, je vous le promets ! Mais pendant les premiers chapitres, on est complètement paumés. On découvre l’univers, on essaie de comprendre l’intrigue (enfin les intrigues) et Leigh n’aide archi pas avec sa narration ultra originale.

MAIS. Mais !! C’est juste du génie. Une narration comme on en a rarement vu. Si vous avez aimé l’originalité de la technique narrative dans A vivre avec d’Alice Posière ou dans le premier épisode de la série The Witcher, sachez que la Neuvième Maison se place dans la même veine ! Cela donne un dynamisme certain à l’intrigue et aux personnages, qui se dévoilent au compte goutte. Finalement, pourquoi raconter une histoire de manière linéaire quand on peut jouer avec son lectorat et lui retourner l’esprit ?
Si le meurtre d’une étudiante semble être l’intrigue principale, Alex se trouve vite empêtrée dans de multiples histoires, qui tissent ensembles un fil rouge dense et délicat, finement ouvragé.

Le roman est porté par des personnages extrêmement riches, quoique fortement émotionnellement et/ou socialement constipés. C’est absolument excellent de voir des alliances et des amitiés se former là où on les attendait le moins, mais aussi de pouvoir observer ces dynamiques relationnelles à l’œuvre.
Alex et Darlington, qui sont les personnages les plus développés dans ce premier tome, sont très bien travaillés. Ils ne sont pas uniquement définis par leurs origines sociales bien différentes, non : les deux protagonistes existent par et pour eux-mêmes.
Aussi ! J’ai adoré le fait qu’Alex ait de la famille séfarade (ce sont les juifs de la péninsule ibérique) et que ce soit si bien exploité, sans pour autant être la seule caractéristique du personnage ! En tant que grosse nerd de la linguistique, j’ai vraiment passé mes meilleurs moments à lire les proverbes disséminés çà et là, écrits dans le dialecte séfarade, qui, ai-je donc découvert, mêle à la fois langues ibérique (portugais/espagnol) et hébreu. Au fil du roman, on découvre de multiples facettes à la personnalité d’Alex et de Darlington… et de multiples facettes à leurs traumas aussi – le pluriel est intentionnel ; qu’on leur prescrive des séances avec un psy ! -.
Leur personnalité est par ailleurs toujours nuancée, et rien n’est ni tout noir, ni tout blanc. En revanche, il faut être prêt psychologiquement à faire face à la tension sexuelle non résolue en cours dans cette série de bouquin. Si vous avez lu Six of Crows sachez que l’autrice arrive à être encore plus frustrante avec ces deux-là qu’avec Kaz-je-te-veux-Inej-mais-je-suis-constipé-émotionnellement et Inej-je-te-veux-sans-armure-Kaz-Brekker.

Leigh Bardugo aime bien glisser des petites – grosses – critiques sociales à travers ses univers magiques, et la Neuvième Maison ne fait pas exception. La magie est ici le catalyseur de cette critique. Que cela soit dans sa pratique ou dans la culture qui en découle, l’élitisme et l’impunité des hautes sphères sociales sont mises en évidence et dénoncées. Tout comme la notion d’ascenseur social, finalement opérationnel que lorsque cela sert les intérêts des élites, mais qui n’est même pas visible le cas échéant.

Bon, mais j’avais parlé de dark academia n’est-ce pas ? On est servi avec la Neuvième Maison qui nous narre les manigances occultes de Yale, université américaine ancienne et prestigieuse s’il en est. Se mêlent alors Histoire, références littéraires, latin, architecture… avec une très grosse pincée de magie loin d’être blanche et de fantômes à la pelle. On déambule dans le campus et la ville comme si on y était, avec toutes sortes d’anecdotes ! Et le latin ! De belles citations, qui ont du sens et qui se traduisent bien ! Quel plaisir ! Cœur sur les recherches entreprises pour l’écriture de ce roman.

Des personnages bien construits, travaillés, et qui cassent la baraque, du latin et du nerdisme littéraire en veux-tu en voilà, le tout saupoudré de critiques sociales et de magie, finement enveloppé par une narration qui déchire ? Direct dans la case coups de cœur !

Mon petit conseil ceci dit, c’est d’attendre la sortie du troisième tome avant de vous lancer dans le second. Si le premier tome ne se termine pas tant que ça sur un cliffhanger, dans le deuxième, en revanche… Disons qu’il est bien abrupte, le cliffhanger, et c’est peu de le dire…

Recommandation : handicap

On continue notre série de recommandations à thème avec un sujet important et intéressant qui n’est, à notre avis, pas assez mis en avant dans la littérature.


Si les films font ici défaut, les livres laissent une place au handicap. En effet, Katniss, lors des premiers jeux, se retrouve d’abord sourde puis quasi-sourde d’une oreille.

Concernant Peeta, c’est plus visible encore, car il perd sa jambe suite aux premiers jeux également. Il se retrouve avec une prothèse par la suite.

Point positif : le fait d’avoir créé des séquelles aussi physiques que mentales aux personnages.

Point négatif : une fois “réparées”, ces séquelles ne sont pas plus exploitées que cela.


Meute représente avant tout des relations (à mon sens bien évidemment). La relation que peuvent tisser des personnes ne faisant pas partie de la même famille par le sang, mais par le vécu. De nombreux personnages combattent des traumatismes, ce qui en fait un excellent bouquin sur la santé mentale.

Mais l’autrice ne s’arrête pas là et nous présente Val, un personnage qui a perdu l’usage de la parole suite à une agression physique. On voit donc les personnages communiquer grâce au langage des signes et la frustration de Val face aux personnes qui n’y sont pas formés et donc sa difficulté à communiquer avec eux.


À l’instar de Meute, Six of Crows met en avant les traumatismes psychiques, conséquences d’un univers rude et impitoyable. Mais tout comme Meute, le handicap physique n’est pas en reste.

En effet, Kaz, l’un des personnages principaux, possède une jambe cassée, qui n’a pas guéri correctement et qui l’empêche donc de se mouvoir normalement. Cela le handicape réellement et c’est exploité tout au long de la duologie.

Fun fact : Kaz possède une canne qui l’aide à marcher, tout comme l’autrice elle-même (pour d’autres raisons) !


Toujours une excuse pour parler de l’Assassin Royal me direz-vous. Certes, mais toujours une excuse valable !

Et ici, il s’agit de Burrich, un des personnages secondaires importants de cette épopée, qui, tout comme Kaz, a été blessé à la jambe et celle-ci n’a jamais guérie. L’autrice exploite parfaitement le handicap de ce personnage et toute la dimension psychologique qui va de pair (rejet de sa nouvelle condition, acceptation amère, etc.).

Mais Fitz n’est pas en reste non plus, subissant des crises épileptiques suite à un empoisonnement ou encore un dos douloureux des suite à une flèche qui s’y est fichée. L’autrice ne laisse décidément pas son personnage en paix.


Quitte à faire de la propagande, autant continuer avec mon autre saga chouchou !

Et quitte à parler de ma saga chouchou, autant parler de mon personnage chouchou, Lila Bard, qui est atteinte de cécité partielle. En effet, dès le plus jeune âge et dans des circonstances qui nous sont inconnues, celle-ci se fait arracher un œil.

Elle trouve le moyen de compenser cela, mais parfois, cela lui réserve de mauvaises surprises…


Et pour finir, un roman principalement centré sur le handicap !

Roman contemporain et romantique, ce livre raconte la rencontre entre Lou et Will, ce dernier étant tétraplégique des suites à un accident de moto.

Le roman se concentre sur la difficulté de Will a accepté sa condition et à faire entendre ses volontés.

Une belle histoire qui donne à réfléchir sur notre condition de valide par rapport aux personnes en situation de handicap.

La langue des choses cachées – Cécile Coulon

Résumé éditeur :

À la tombée du jour, un jeune guérisseur se rend dans un village reculé.
Sa mère lui a toujours dit :  » Ne laisse jamais de traces de ton passage.  »
Il obéit toujours à sa mère.
Sauf cette nuit-là

Pour découvrir ce qu’est la langue des choses cachées, il nous faut suivre le fils. Pas un fils ordinaire, non. Ou peut-être que si. Il est comme sa mère ; en marge et pourtant viscéralement présents au monde, ces deux individus pratiquent une langue cachée, occulte dans le sens premier du terme, une langue du désespoir, de la révélation. Le fils, comme sa mère avant lui, n’intervient qu’en dernier recours, quand il n’est plus que le dernier espoir.

Stendhal écrivait, dans le Rouge et le Noir, qu’ “un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route. Son miroir montre la fange, et vous accusez le miroir ! Accusez bien plutôt le grand chemin où est le bourbier, et plus encore l’inspecteur des routes qui laisse l’eau croupir et le bourbier se former”.

La langue des choses cachées, c’est exactement ça. La plume de Cécile Coulon nous dévoile le vert du vallon, mais aussi le rouge des épaules de l’homme de la table. Ce roman est un miroir travaillé, ornementé, paré d’intonations poétiques. Ce miroir reflète le beau comme le laid ; mais il semble ancien, aussi. Alors le reflet est un peu déformé, peut-être un peu voilé, à l’image de ce roman poétique, fantastique, qui nous narre des personnages aux contours flous.

Le village décrit, la société dépeinte sont universelles dans leur singularité. Les drames de ce village, ce sont les drames étouffés de chaque recoin de notre société. Réels, tangible, et pourtant dérobés à nos yeux.

Cécile Coulon entame ici une véritable discussion sur les violences systémiques, sur l’impunité et l’aveuglement volontaire face à ces situations. Pourtant, l’autrice ne nous livre pas un roman aux perspectives totalement sombres. Les enfants ne sont pas leurs parents. Tout comme le fils va s’éloigner de la route mille fois parcourue par la mère, le fils de l’homme aux épaules rouges est d’une bonté et d’une beauté qui n’a d’égale que la laideur de son père.

Ce roman, d’une violence inouïe, nous reflète la bourbe du sentier ; d’une poésie infinie, il nous fait également entendre la langues des choses cachées. L’impuissance que l’on ressent à la lecture est incommensurable. L’injustice, les injustices, sont trop grandes, trop visibles, trop. Et le fils est désemparé, trop calme, trop hors du monde. La jeune femme trop en colère, trop légitime dans ses griefs. Le prêtre est trop présent, trop familier des lieux et de ce qu’il s’y passe. La mère n’aurait rien fait ; mais le fils n’est pas sa mère, et il décide d’agir.

La conclusion, percutante, est dans la lignée du roman. Elle ne soulage pas ; l’histoire est trop viciée pour. Elle est injuste dans sa justice, désespérante dans l’espoir qu’elle porte et apporte. Si rétribution il y a, elle a toujours un coût. Ce coût, est-il forcément juste ?

La langue des choses cachées m’a tellement percutée et tellement retournée qu’il a été assez difficile pour moi de faire une chronique qui suit le plan habituel. L’important dans la Langue des choses cachées, ce n’est pas la minutie avec laquelle les personnages ont été travaillés, ce n’est pas l’orfèvrerie créée par les mots de Cécile Coulon, ce sont les relations et les situations mises en scène par ces personnages, racontées par ces mots.

Un acte de gloire, Ferdia Lennon

412 avant notre ère, au lendemain de la victoire de Syracuse lors des guerres du Péloponnèse. Alors que des milliers de prisonniers athéniens croupissent dans des carrières, deux jeunes potiers sans le sou, Gélon et Lampo, offrent du vin et des olives à qui voudra bien réciter des vers d’Euripide. Parmi les hommes affamés, les candidats ne manquent pas. Bientôt, naît le projet fou de monter Médée et Les Troyennes au beau milieu de cette prison à ciel ouvert.

Mêlant une parfaite connaissance du monde antique au parler savoureux des pubs irlandais, Ferdia Lennon signe un roman à cadre historique résolument moderne, embarquant le lecteur dans une aventure tragi-comique inoubliable. D’une actualité brûlante, Un acte de gloire est une puissante réflexion sur le pouvoir de l’art et sur les interstices où renaît l’humanité après la guerre.


Cette lecture se fait à l’occasion d’un appel à une masse critique de la part de Babelio qui m’a suggéré ce titre. Grande passionnée d’Euripide, je me suis dit que c’était l’occasion de sortir de ma zone de confort qui est l’imaginaire et la jeunesse et de me plonger dans un roman historique en gardant un filet de secours : l’Antiquité.

Ce roman a été un roller coster. Je suis passée de « oh ! intriguant ! J’aime bien ! » à « Ouuh, un peu relou, j’ai du mal, je pense que je vais lâcher… » à « wow ! Incroyable ! Que va-t-il se passer ?! ».

« Oh ! Intriguant ! J’aime bien ! ».

Le roman débute avec un style qui rappelle les dialogues de Platon. Rien que cela. On vous annonce la couleur, vous êtes dans un univers antique et on AIME l’Antiquité. On aime sa littérature. Et notamment, on aime Euripide. Euripide, l’incroyable auteur de l’incroyable tragédie qu’est Médée, ma pièce préférée. Gélon est un littéraire dans l’âme, capable de citer Homère et Euripide n’importe où, n’importe comment, n’importe quand. Mais on plonge aussi dans l’horreur de la guerre, avec un point de vue d’un Syracusain qui va rendre visite à des Athéniens qu’on laisse mourir dans une carrière comme s’il allait au zoo. Son indifférence de la souffrance humaine m’a laissé pantoise et m’a franchement mise mal à l’aise. Mais un malaise que j’ai trouvé intéressant et captivant, me disant que le reste du roman allait justement faire nuancer ce point de vue.

« Ouuh, un peu relou, j’ai du mal, je pense que je vais lâcher… »

Malheureusement, cette nuance met du temps à venir. Beaucoup. de. temps. Et j’avoue que j’ai eu beaucoup de mal à m’accrocher. Donc, si je m’étais écouté et que j’avais laissé tomber le livre à sa moitié, je vous aurais dit que c’est une lecture mitigée. Mitigée dans le sens où je ne m’attachais pas du tout au personnage principal, Lampo, malgré une petite affection pour le second, Gélon. Le roman étant du point de vue du premier, j’ai eu du mal à me laisser embarquer, trouvant le personnage antipathique et parfois lourd et égoïste. Il a joué avec mes nerfs à de nombreuses reprises et cela m’a un peu agacé au début de ma lecture. Son indifférence envers les Athéniens, sa cupidité, a vraiment testé ma patience. Mais j’ai tout de même continué, intriguée de voir comment deux Syracusains allaient bien pouvoir monter une pièce de théâtre avec des Athéniens à moitié morts.

« wow ! Incroyable ! Que va-t-il se passer ?! »

Eh bien, je suis très contente de n’avoir pas lâché l’affaire ! Parce qu’arriver à cette pièce de théâtre, le roman se transforme. Les personnages se découvrent une humanité qui va au-delà de la nationalité, unis par le théâtre d’Euripide. De nouveaux personnages s’ajoutent à cette troupe extraordinaire, au sens littéral du terme. J’ai beaucoup aimé cette bande de gamins qui s’improvisent assistants et qui ajoutent une touche de légèreté et d’innocence qui fait du bien dans ce monde cruel de l’après-guerre.

Et ces deux pièces. Bon sang ces pièces ! Tout d’abord, Médée. Médée dans toute sa splendeur, qui ne peut pas l’aimer ? Et puis les Troyennes. Pièce que je n’ai jamais lu, mais c’est une chose qui va bientôt changer. La représentation de cette pièce, qui met en scène les femmes troyennes après la guerre de Troie, fait cruellement écho au cri de désespoir des Athéniens mourant dans les carrières de Syracuse. Le passage du roman relatant ces représentations est sublime et poétique, il m’a subjugué.

Je ne vous en dis pas plus étant donné qu’il y a quelques retournements de situation qui donnent du dynamisme à ce roman et cela serait dommage de vous les gâcher. Mais sachez que ce roman vaut le détour. Il m’a sorti de ma zone de confort et j’en suis ravie.

Fablehaven, tome 1 : Le Sanctuaire sacré, Brandon Mull

Fablehaven… Depuis des siècles, d’extraordinaires créatures se cachent dans ce refuge secret. Seth et Kendra, les petits-enfants du gardien, découvrent, éblouis, les fées, les géants et les naïades du sanctuaire. Mais aujourd’hui, Fablehaven est menacé par l’avènement de puissances maléfiques.
Ainsi commence le combat de Seth et de Kendra contre le mal, pour protéger Fablehaven de la destruction, sauver leur famille… et rester en vie.


Ce livre a été une totale découverte pour moi. Cadeau d’anniversaire de la part d’une personne qui m’en avait parlé avec nostalgique lorsque l’on échangeait sur les lectures de notre enfance, je l’ai reçu pour le découvrir à mon tour, bien qu’adulte maintenant.

Que dire ? Ce livre m’a laissé une impression étrange. J’ai beaucoup aimé l’univers des fées, fidèles au folklore comme je les aime. On y rencontre toute sorte de créatures plus mystiques les unes que les autres et j’ai trouvé cela très chouette. Le récit commence en douceur avant de monter crescendo, sans pour autant nous ennuyer sur la première partie parce que c’est celle de la découverte. Seth et Kendra se retrouvent dans le domaine de leurs grands-parents et prennent le temps de l’explorer, créant un suspense intéressant et une curiosité qui contamine le lecteur. L’ambiance est particulière, à la fois enfantine et dangereuse, légère et sévère, attisant cette curiosité.

J’ai en revanche trouvé quelques maladresses, notamment dans l’explication des règles de l’univers aux enfants. J’ai ressenti comme une explication forcée dans la narration, une justification qui arrive parfois comme un cheveu sur la soupe et qui fait sortir de la narration. Mais je pense que c’est ici la lectrice adulte et aguerrie qui parle. Enfant, je n’aurais absolument pas remarqué la chose et je serais restée dans un état d’émerveillement tout du long.

J’ai également senti une touche de sexisme sur une partie du livre qui m’a fait tiqué, malgré l’amélioration de la fin qui laisse un peu plus de place au caractère courageux de Kendra qui s’effaçait face à l’intrépidité de son frère au début. J’ai trouvé cela assez gênant de la voir toujours plus peureuse et moins héroïque que Seth alors que clairement, c’est elle qui a la tête sur les épaules et c’est lui qui attire les ennuis ! Comme je l’ai dit, la fin du roman revient un peu sur cela de manière plus égalitaire et c’est tant mieux.

C’était donc une chouette lecture que j’ai beaucoup aimé découvrir et j’en remercie Maël pour cela.

Anecdote Antique – Midas, le Pactole, et les récits étiologiques

Midas devant Bacchus, Nicolas Poussin, réalisée entre 1624 et 1630. Elle est conservée à l’Alte Pinakothek de Munich.

Qu’est-ce que c’est qu’un récit étiologique ? Pour en avoir une idée, direction la Phrygie, un royaume… lointain.

La Phrygie se situe en Asie mineur, ce qui correspond à la Turquie actuelle ; à l’époque, la région était connue sous le nom d’Anatolie. Elle a vu des empires se succéder, des royaumes fleurir puis dépérir… L’un des plus connus était l’empire perse, qu’Alexandre le Grand a conquis quelques petits siècles après le déroulement de notre présente histoire.

En Phrygie se trouvait un roi dénommé Midas, qui n’était pas particulièrement porté sur les voitures – il faut dire qu’elles n’existaient pas à cette époque ! – ni même sur les chars. Non, si Midas est connu c’est parce qu’il a eu affaire et a fait affaire avec Dionysos, divinité du vin, de l’ébriété et de la nature sauvage, entre autres.

Voyez-vous, Dionysos a été élevé par Silène, un satyre. Mais qu’est-ce que c’est qu’un satyre, pourriez-vous me demander. Et bien, un satyre, à ne pas confondre avec le genre de la satire, est une créature au buste et à la tête humaine (ici nous défendons l’accord de proximité) mais aux jambes et aux sabots de bouc ou chèvre. Ils sont les suivants de Pan, divinité redoutée et redoutable de la nature – d’où une peur panique – et de Dionysos. Ce sont de bons vivants, doux euphémisme pour vous laisser entendre qu’ils sont plus souvent saouls que sobres. Et justement…

Notre bon Silène – loin d’être bon, les satyres étaient clairement les giga beauf de l’époque –, ayant bu le tonneau de trop, s’est égaré aux abords du Pactole, fleuve qui coulait jusque-là sereinement en Phrygie. Heureusement pour lui, le roi Midas et sa suite se trouvaient justement par là. Reconnaissant le satyre pour ce qu’il était, le roi lui offrit le gîte, le couvert mais surtout la boisson.

Inutile de vous dire que la Phrygie connut quelques soirées très très festives, probablement des lendemains très très boisés. La fête fut d’autant plus renouvelée quand Dionysos retrouva enfin son satyre égaré. Constatant comme Midas avait soigné son hôte, le dieu décida de récompenser le roi : il lui offrit alors la possibilité de lui réaliser un vœu.

Avant de se mettre à hurler au capitalisme et à l’appât du gain, il est important de contextualiser un petit peu. La Phrygie était un royaume tout nouvellement unifiée. Le père de Midas avait réussi à mettre fin aux luttes de pouvoirs ayant cours au sein des différentes peuplades du territoire puis avait construit une capitale et des temples. Toute cette entreprise BTP, en plus des précédentes guerres, ont laissé tragiquement vides les coffres du royaume. Or, pour tout jeune état, des caisses désespérément vides, ça n’augure rien de bon. Midas demanda donc à Dionysos de lui permettre de changer en or tout ce qu’il touchait.

Sauf que voilà, faire un vœu auprès d’un dieu, surtout quand il a un sacré coup dans le nez, c’est un peu l’équivalent de demander quelque chose à un génie facétieux ou à un latin mutin. Bref, ledit vœu a été pris vraiment au pied de la lettre : tout ce que touchait Midas devenait effectivement de l’or. Et, même si l’or est comestible dans une certaine mesure, ça ne nourrit guère son homme, plutôt l’inverse même à fortes doses. Si au final les coffres étaient remplis pour les millénaires à suivre, le ventre du roi restait, quant à lui, aussi désespérément vide que l’était le trésor royal précédemment.

            Juste avant que Dionysos et son cortège, suite divine constituée de satyres, de ménades et autres divinités ou nymphes de la nature, s’en fussent, Midas le supplia de reprendre son don. Malheureusement pour lui, rien de ce qui n’est fait ne peut être défait. Enfin, heureusement pour lui les divinités ont le chic pour trouver les vides juridiques du destin. Le dieu conseilla donc d’aller sur la rive du Pactole, là où il avait trouvé Silène, et de s’y laver les mains comme l’exigeait les rites de son peuple. Aussitôt, des paillettes d’or se dispersèrent. Elles allèrent de ses doigts à la source, jusqu’à ce que celle-ci devienne scintillante, charriant inlassablement l’or que Midas avait au bout des doigts. C’est ainsi que, non content d’avoir rempli le trésor de son empire, il créa, en retournant son don divin à la nature, une source qui porterait de l’or à son peuple pour les générations à venir.

            Et en effet, le Pactole est un fleuve aurifère, c’est-à-dire que son courant emporte avec lui un peu d’or, qui a fait la richesse de l’empire phrygien. Cette légende permet alors d’expliquer d’où provient un phénomène naturel, ici celui d’un fleuve charriant des paillettes d’or.

            Inutile de vous dire que la Phrygie connut quelques soirées très très festives, probablement des lendemains très très boisés. La fête fut d’autant plus renouvelée quand Dionysos retrouva enfin son satyre égaré. Constatant comme Midas avait soigné son hôte, le dieu décida de récompenser le roi : il lui offrit alors la possibilité de lui réaliser un vœu.

Métisse, et alors ? – Patricia Houéfa Grange

Je ne renie pas mes origines
mais je ne viens pas que de là

Je suis des terres restées accrochées à mes pieds
Je suis le vent des cultures qui m’inspirent
Je suis la tempête sans fin des questions existentielles

Résumé éditeur :

Je suis au confluent des traditions humaines
Je suis le carrefour de l’harmonie des peuples
Je n’ai pas de culture
Je suis toutes les cultures
Enfant, la petite Patricia entrevoit la complexité de son arbre généalogique.
Son métissage vient de loin : de la colonisation française au Bénin et des terres volcaniques du Cap-Vert. En grandissant, elle interroge sa famille : les ramifications se précisent, sa peau caramel se charge d’histoires.
Métisse en France, métisse au Bénin, ‘autrice attire notre regard sur celles et ceux qu’on surnomme les bâtards, les sangs-mêlés.

Recueil de poèmes s’inscrivant dans la collection Iconopop, Métisse, et alors ? a été une lecture fulgurante. Vraiment, je ne pense pas pouvoir qualifier autrement mon expérience face à ces poèmes.

Merci tout d’abord à la poétesse d’avoir livré au monde des poèmes si beaux, si pleins, si intimes. A la fois cri du cœur et vers aux langues incisives, le recueil est tout simplement foudroyant.

A travers chaque poème, chaque strophe, Patricia Houéfa Grange nous fait parcourir son arbre généalogique, dans toutes ses circonvolutions, ses malheurs, ses bonheurs, ses contradictions fondamentales. Elle met à mal, elle défait, poèmes après poèmes, vers après vers, l’idée terrible qu’une personne ne peut pas être pleinement d’une culture si elle vient aussi d’une autre.

Mon visage est caramel
Je suis ni d’ici ni d’ailleurs
j’ai fait mon nid ici mais je suis née ailleurs

Je suis Nid d’Ici Née Ailleurs

Mon visage est caramel

Je suis ni d’ici ni d’ailleurs
j’ai fait mon nid ici mais je suis née ailleurs
Je suis
Nid d’Ici Née Ailleurs

A travers son expérience, son métissage, la poétesse nous livre son identité propre, dans toute la beauté et l’horreur que cela peut signifier. Son identité, elle nous la chante en poésie, en inscrivant les insultes, en retraçant les pas de ses ancêtres.

Etrangère de ce côté,
Etrangère de l’autre côté,
Etrangère, stranger, extranjera, toɖěvomεnù, ajnabeeya,
Ajnabeeya, ajnabeeya, ajnabeeya,

Etrangère dans vos yeux, dans vos coeurs, ajnabeeya,
Ajnabeeya dans vos rires qui me raillent, étrangère
Etrangère face aux portes restées closes, ajnabeeya

Son identité, elle nous la chante également dans ses poèmes réflexifs, base d’une révélation de soi, d’une invention de soi.

Ajnabeeya je te fais mien, mot étrange, ajnabeeya
Ajnabeeya je t’habite, mot étrange, ajnabeeya
Ajnabeeya je m’affrime étrangère, sans frontière, singulière,
ajnabeeya
Ajnabeeya
Ajnabeeya
Ajnabeeya

A travers ces poèmes aux vers si fins, si précis et si beaux qu’ils en deviennent viscéraux, Patricia Houéfa Grange apparaît, (se) transcende ; elle foudroie. Peu de poète et poétesse peuvent se targuer de créer des vers aussi puissants, à la beauté indicible et pourtant si présente qu’on pourrait en pleurer d’extase.

Runborn, tome 1 : Tyr, Ariel Holzl

« Chacune de ces runes possède un peu de l’essence d’un dieu ou d’une déesse indispensable à toute existence. Je vous ai choisis pour les porter. Grandissez et prospérez, Enfants des Runes ! Lorsque le temps sera venu, vous ferez renaître les dieux… »
Ainsi parlait Odin, le Père de Tout, à la veille du Ragnarök, la fin de l’ancien monde.

Né marqué d’une rune, Tyr est un Runbørn. Mais deux siècles après le Ragnarök, les dieux nordiques ont été oubliés et le jeune homme ignore tout de son héritage. Lors d’un rite de passage organisé par la prêtresse de son village, Tyr découvre qu’il est, comme ses amis Hel et Bragi, le maillon d’une chaîne forgée bien avant sa naissance : porteurs des pouvoirs d’une divinité, ils doivent réunir les 24 runes dispersées dans le monde pour redonner vie aux dieux. Il leur faudra pour cela convaincre les autres Runbørn… ou s’approprier leurs runes par la force. Face au chemin pavé de sang qui s’impose à eux, Tyr et ses compagnons sacrifieront-ils ce qu’ils sont pour accomplir leur mission sacrée ?


Qui dit nouveau roman d’Ariel Holzl, dit nouvel achat littéraire pour moi. Surtout quand on me vend un livre à la couverture magnifique, qui parle de mythologie nordique et qui se trouve en avant-première au salon de Montreuil. Comment résister ?

Il me faut avouer que cette lecture a été plus que surprenante pour moi. Généralement, lorsque je me lance dans un roman d’un.e auteurice que je connais, je sais où je mets les pieds. Bien sûr, on peut totalement changer d’univers et de style, mais il reste tout de même la patte de l’auteurice, on sait où l’on va pour la plupart du temps. Or, ici, mes attentes ont été fracassées.

Commençons par le commencement. On débute l’aventure avec Tyr, un protagoniste très peu émotif, mais tout de même attachant, qui vit dans son village natal en compagnie de deux autres de ses camarades, Hel et Bragi. Début classique de roman de Fantasy donc. Jusque là tout va bien, je suis dans l’ambiance et le style que j’avais anticipé. L’élément perturbateur intervient et pousse les jeunes jeunes à débuter leur aventure, toujours tout ce qu’il y a de plus classique. Or, à partir de ce départ, plus rien ne s’est déroulé comme je l’envisageais.

L’aventure en elle-même n’a cessé de me surprendre, me perturbant tout d’abord parce que je ne voyais pas du tout où l’auteur voulait aller, comment cela allait se structurer, comment Tyr allait poursuivre sa quête alors qu’il n’a aucune information sur comment et où continuer. On se retrouve aussi perdu que lui dans ce vaste univers et cela est terrifiant tout autant que déstabilisant.

J’avoue avoir un peu perdu mon engouement dans son égarement, assez perplexe concernant la suite des événements. Le récit a, selon moi, perdu un peu de son souffle à ce moment-là et c’est dommage. Cependant, j’ai fini par retrouver un regain d’intérêt vers la dernière moitié du roman, qui propose de découvrir une nouvelle société qui m’a fait penser aux Spartiates (oui, la culture gréco-romaine ne me laissera jamais en paix). Société guerrière, qui est obligée de vivre sur une terre inhospitalière, j’ai été prise de curiosité par ce peuple dans lequel se retrouve Tyr, poussé par le destin, faisant avancer sa quête sans qu’il ne s’en rende compte. Je me suis prise à apprécier les personnages et à vouloir connaître le dénouement et la fin m’a convaincu qu’il me fallait la suite.

C’est difficile de vous en parler sans vous en révéler trop sur l’intrigue et vous gâcher une partie de la lecture. Je vais donc intentionnellement rester dans le flou et vous laissez découvrir cela par vous-même. Mais sachez que l’ambiance mythique est omniprésente et accorde au livre une dimension épique très appréciable et que les personnages sont certes au premier abord assez rustre et antipathique, mais finiront par gagner votre cœur.